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  • Nature et idéal au Grand Palais

    Il y a au moins deux raisons de se réjouir de l'exposition Nature et Idéal consacrée à la peinture de paysage à Rome entre 1600 et 1650 et qui vient de s'ouvrir au Grand-Palais. Enfin une exposition sur la peinture en Italie du Seicento ! Et pour une fois, ce n'est pas une exposition monographique. En dépit de l'incontestable intérêt scientifique des expositions monographiques, je trouve que la présentation de l'œuvre d'un seul artiste, fut-il Caravage ou Poussin, est moins stimulante que la réflexion autour d'une problématique.

    Pour cette exposition-ci, le thème est la peinture de paysage autour et après Carrache. Il semble, à la visiter, que le propos aille plus loin qu'un simple récit de la naissance et de la fortune d'un genre.

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    Le "retour à la nature" est un concept souvent mis en avant par les historiens de la peinture italienne pour marquer la césure entre la fin de la Renaissance maniériste et le début du XVIIe siècle. Or ce naturalisme n'est pas qu'une description de l'impermanence des êtres et des choses. Il est aussi une nouvelle manière d'admettre la nature comme lieu. Désormais, au XVIIe siècle, le récit de l'histoire s'incarne dans un espace réel, le même que celui qui voit le passage de la vie champêtre.

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    C'est ce qui explique la présence (un peu inattendue il faut l'avouer) de peintures de figures sur des sujets mythologiques ou religieux. Le paysage crée une forte proximité entre le spectateur et l'image: il offre un cadre identifiable et familier à des récits fabuleux. Ces derniers gagnent en présence et en vérité. La dialectique entre nature et idéal n'oppose pas deux visions. Elle dit au contraire que la peinture de paysage est le meilleur mode pour décrire tout un monde lointain. C'est le sens de ce naturalisme.

     

  • Jacob van Loo redécouvert

    Les éditions Arthena font paraître en ce début d'année une monographie remarquable sur le peintre hollandais Jacob van Loo (1614-1670), écrite par David Mandrella. La science de l'auteur et la qualité des reproductions permettent une vraie redécouverte du style de ce grand artiste encore trop méconnu.

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    Une part importante de l'œuvre de Jacob van Loo incarne le versant dit "classique" de l'art hollandais. Il existe en effet, au XVIIe siècle, en face de la peinture réaliste, de ces portraits et scènes de la vie sociale qui ont fait le succès de l'art des Pays-Bas du Nord de Rembrandt à Vermeer, une production picturale d'une inspiration très différente. Décrivant des scènes bibliques ou mythologiques à l'imitation des peintres italiens, ce "classicisme hollandais" (celui également de Gérard de Lairesse ou de Jacob Backer) emprunte une voie originale par rapport à la tradition "arcadienne" romano-bolonaise (qui court de Raphaël à Guido Reni). La description du récit classique y passe par le filtre du naturalisme. Tous ces mondes lointains redescendent sur Terre. Vélasquez expérimenta la chose avec succès, les frères Le Nain également. Le choc de ces univers opposés produit un résultat aussi inhabituel que troublant.

    Les sujets mythologiques forment ainsi une inspiration importante pour Jacob van Loo. Et ce qui frappe surtout dans ses tableaux, c'est le traitement du nu féminin. Comme l'écrit Jacques Foucart dans sa préface, ces nus "forcent l'attention". Le traitement réaliste des corps heurte nos habitudes et bouscule nos repères visuels.  Dans la culture du XVIIe siècle (et cela, depuis la Renaissance), le nu féminin est toléré s'il suit les règles formelles de l'idéalisation, c'est-à-dire s'il obéit à un canon bien précis calqué sur l'art antique. Or Jacob Van Loo propose une expérience visuelle résolument différente. Les figures de la mythologie sont incarnées par des femmes réelles. Il y a une réification de la femme idéale, littéraire et mythologique. Le nu en devient presque plus érotique. Mais c'est un érotisme alors très différent de ce que produiront par exemple François Boucher et les illustrateurs libertins du XVIIIe siècle. Le corps féminin chez van Loo ne cherche pas à être joli, aguicheur, "coquin" ou provocateur. C'est une nudité naturelle, ordinaire. Le résultat est "à la fois noble et prosaïque" (D. Mandrella). Si l'on osait le rapprochement, on pourrait dire que le travail de Jacob van Loo évoque presque la démarche de Nan Goldin pour qui le nu et la sexualité sont des choses de la vie quotidienne (Simon and Jessica in the shower Paris - 2001).

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  • L'ascension de Charles Le Brun

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    Les éditions de la Maison des Sciences de l'Homme viennent de publier dans la collection « Passages » (avec le concours du très actif Centre allemand d'histoire de l'art) la thèse de doctorat de Bénédicte Gady consacrée aux mécanismes d'ascension professionnelle, sociale et artistique de Charles Le Brun.

    Outre la masse documentaire, la précision et la rigueur scientifique, ce qui est remarquable dans cet ouvrage c'est la manière dont l'auteur nous fait partager les étapes de son enquête. On assiste avec elle, comme derrière son épaule, à l'exploration intellectuelle de cette matière historique et documentaire complexe. Le résultat est à l'opposé de bien des ouvrages savants où la somme des analyses est placée sous les yeux du lecteur, comme une masse indigeste. Nous sommes les témoins comblés d'une véritable prospection intellectuelle que renforce encore la qualité du style. Au-delà du sujet "Le Brun", c'est presque une philosophie de la science sociale que l'on savoure.

  • Cranach à Paris

    Le musée du Luxembourg à Paris rouvre ses portes ce mois-ci avec une exposition sur Lucas Cranach.

    L'histoire de ce musée, dont on pourra trouver ici une succincte chronologie, est quelque peu chaotique. Son ouverture au public et la nature des œuvres exposées ont été très irrégulières.

    Lorsque le musée ouvre en 1750, il est l’un des tous premiers d’Europe. Pendant la plus longue partie du XIXe siècle, il a été le musée où étaient présentées les œuvres des artistes vivants, avant que celles-ci ne soient - éventuellement - transférées au musée du Louvre à la mort de l'artiste. Le musée du Luxembourg ferme en 1937 lorsque ses collections sont déplacées au Palais de Tokyo.

    En 1979, le Sénat décide de faire revivre le "musée" (toujours désigné ainsi alors qu'il n'a désormais plus de collection propre) grâce à une série d'expositions mettant en valeur le patrimoine des musées de Province.

    En 2000, il confie la gestion du lieu à une société privée SVO Art qui y organisa de nombreuses expositions jusqu'en 2009. En juin 2010, le Sénat décide de transférer cette gestion à l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (RMN - Grand Palais).

    L'exposition de réouverture est une reprise en plus petit de l'exposition Cranach qui s'était tenue à Bruxelles cet automne. Au premier abord, la muséographie peut sembler un peu déconcertante : les cimaises sont formées de parois en bois brut teint en brun foncé et aménageant des sortes de caissons où sont installées les œuvres. Le premier choc passé, on remarquera surtout que cette présentation permet au visiteur de se tenir au plus près des peintures ou des gravures, ce qui est  très heureux pour cet artiste. Parmi les œuvres les plus remarquables, nous avons été frappé par le spectaculaire Martyre de sainte Catherine (Budapest, église réformée, collection Raday).

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