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  • Peintures du XVIIe et du XVIIIe siècles pour le décor du château d'Eu

    La Société de l'Histoire de l'Art français est une société savante fondée en 1872 avec pour mission la promotion de l'étude de l'art français en particulier par la publication d'archives et de documents administratifs inédits comme les procès-verbaux de l'Académie royale ou les Comptes des Bâtiments du roi.

    La Société édite également un Bulletin qui fait paraître annuellement les travaux des chercheurs consacrés à l'art français du Moyen Âge à nos jours.

    Dans le numéro de 2011 (qui vient de sortir), rassemblant les travaux présentés à l'assemblée de la Société en 2010, se trouve un article écrit par mes soins et consacré au décor de l'appartement de l'aile de Bresle au château d'Eu sous Louis-Philippe.

    Le château d'Eu fut édifié en 1578 par  Henri de Lorraine, duc de Guise, dit « le Balafré ». Lorsque Louis-Philippe hérite du château et du domaine d'Eu à la mort de sa mère en 1821, il confie à l’architecte Pierre Fontaine la charge des travaux de restauration. Le château devient alors une résidence royale pour la famille d’Orléans qui y réside régulièrement. Fontaine construit également en 1827-1828 un bâtiment un peu en retrait, en contrebas le long de la Bresle.

     

    Ce bâtiment, qu'on appela aussi l’aile des Ministres ou « aile des vingt-deux chambres », abritait une salle du Conseil ainsi que des logements pour les ministres, ambassadeurs, médecins et généraux lorsque le roi et la famille royale résidaient à Eu. Jean Vatout, le principal historien ancien du château, précise ainsi la fonction et le décor de cette aile : « Les appartements du château étant devenus insuffisants pour loger toutes les personnes à qui le roi accorde l’honneur de l’accompagner dans ses voyages à Eu, S. M. a fait construire sur la Bresle, annexés au pavillon des bains, des appartements nouveaux décorés avec élégance. Les tableaux qu’on y a placés ne font pas suite à la collection de portraits qui est le caractère distinctif de la décoration du château d’Eu ; ce sont presque tous des sujets mythologiques. Ces nouveaux appartements ont nécessité, pour tous les services domestiques, de grands travaux qui font honneur au talent de M. Fontaine » L’aménagement de cette aile date de 1838.

     

    Résidence. Recueil de plans. Eu. 1831-1848

     (Archives des musées nationaux cote : 39 DD 2). Salle D.

     

    On trouve aux Archives des musées nationaux un recueil de planches donnant une description précise des élévations de chacun des murs des huit chambres de cet appartement, permettant ainsi de connaître le détail de la répartition des tableaux. Ces derniers avaient été prélevés dans les collections royales et provenaient d’anciens décors, fragments dispersés ornant à l’origine les pavillons de Marly, de la Ménagerie, du Grand Trianon, du rez-de-chaussée de Versailles ainsi que d’anciens cartons de tapisseries. Chaque composition fut ensuite transposée sur une nouvelle toile puis entourée par un faux cadre doré.

    Noël-Nicolas Coypel, Vénus, Bacchus et l’Amour, Paris, musée du Louvre.

    Aujourd’hui H.  2,68 sur L. 1,79, mais à l’origine H. 2,35 sur L. 1,38

    Anonyme, Fleurs dans un vase de bronze enrichi de bas-relief

    Fontainebleau, musée national du château


    À la chute du régime de la Monarchie de Juillet, la plupart des tableaux sont envoyés au musée du Louvre ou en dépôt au château de Fontainebleau. Les œuvres considérées comme appartenant à Louis-Philippe lui sont rendues. Elles sont vendues à Londres en 1857. Sur les 144 tableaux qui ornaient jadis l’appartement de l’aile de Bresle, nous en avons retrouvé 118 dont notre article dresse l'inventaire détaillé. Un grand nombre de ces toiles ne sont plus aujourd’hui exposées et ne trouvent nul usage. On pourrait imaginer la reconstitution d'une ou deux salles de ce décor aujourd'hui démantelé.

  • Colloque d'Histoire de l'art à l'ICP

    Nous organisons à l'ICP les 5 et 6 avril 2013 un colloque international d'histoire de l'art intitulé : L’œuvre d’art entre ambition identitaire et aspiration à l’universel.

     

    L’œuvre d’art porte en elle une tension : elle est tout à la fois le symbole d’une identité particulière et elle mène chacun vers un message d’ordre universel. Ce colloque aura pour ambition d'explorer cette double dimension de la création artistique à travers des communications couvrant un large champ géographique et chronologique.

    Le programme se trouve ici (cliquez pour agrandir) :

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    Et le détail des participants ici :

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    L'accès est libre dans la limite des places disponibles.

  • Outil de recherche en histoire de l'art

    La bibliothèque d'histoire de l'art de l'INHA vient de mettre en ligne la numérisation de catalogues de vente pour les années 1676-1763.

    C'est un outil qui facilitera considérablement le travail des chercheurs en histoire de l'art pour l'étude des provenances mais aussi pour l'histoire du goût.

    Ainsi, nous venons de trouver une indication intéressante dont nous n'avions pas connaissance au moment de la publication de notre thèse sur Joseph Parrocel (Arthena, 2006).

    Elle se découvre dans le catalogue d'une vente de dessins et d'estampes qui se tint à Paris le 22 février 1759. Au n°45, une série de vingt-six estampes de Joseph Parrocel appartenant à sa série sur la Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ est proposée à la vente avec le commentaire suivant : "dans le goût de Rembrandt".

    Cette expression assez fréquente sous la plume des auteurs du XVIIIe siècle est une manière très intéressante de qualifier une pratique de la gravure  attentive au clair-obscur mais aussi très libre dans son dessin, sans contour ni dureté. Les rapprochements entre l'art du grand maître hollandais et la pratique de Parrocel permettent ainsi de mieux saisir l'esthétique de ce dernier.

  • Un dessin inédit de Joseph Parrocel

    Après la feuille inédite découverte en mars de l'an dernier, un nouveau dessin de Joseph Parrocel (1646-1704) est réapparue sur le marché de l'art.

    Ce Passage du Rhin est passé en vente à l'Hôtel Drouot, salle 10, le 21 décembre 2012, étude Gros & Delettrez, lot n°12. Il s'agit d'un dessin à la plume et encre brune, lavis brun et gris et avec des rehauts de gouache blanche. H. 35 cm ; L. 38 cm. Il présente quelques usures mais hormis cela il est en très bonne condition. Les empâtements de gouache blanche en particulier sont magnifiques. Ce dessin est très caractéristique par sa liberté d'écriture et la richesse de sa technique du travail graphique de Joseph Parrocel.

    Mais l'oeuvre est également très importante car il s'agit de l'étude préparatoire pour le tableau de même sujet commandé par la Surintendance des Bâtiments du Roi en 1699 pour le décor du château de Marly. Ce tableau est aujourd'hui conservé au musée du Louvre (cf. ma monographie publiée chez Arthena, Paris, 2006, P93, repr.).

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    Le dessin présente une composition plus développée en largeur que sur la toile du Louvre mais rappelons que cette dernière a été découpée et raccourcie à gauche et à droite au XIXe siècle. On peut donc maintenant, grâce au dessin, se faire une idée de ce que devait être la composition d'origine du tableau, en particulier de sa disposition horizontale et non pas verticale.

    L'oeuvre graphique de Joseph Parrocel étant numériquement assez modeste, en particulier pour les dessins profanes, cette feuille est un élément précieux pour la connaissance du style tardif de l'artiste. Elle a été acquise par la Galerie Jean-François Baroni.

    [Mise à jour 11 décembre 2013 : le dessin est entré dans les collections du musée du Louvre en septembre 2013 grâce à la Société des Amis du Louvre]

     

  • Louis XIV sur le champ de bataille

    Versalia, la revue de la Société des Amis de Versailles, publie ce mois-ci son 16e numéro annuel :

     

    J'ai écrit pour ce numéro un article (p.71-90) intitulé :

     

    "Louis XIV sur le champ de bataille :

    l'invention d’un héroïsme royal entre textes et images"

     

    dont voici le résumé :

     

       Avec la naissance de l’État moderne, le roi de France ne peut plus se battre. Pris dans le conflit entre l’idéal chevaleresque et les nouvelles exigences de l’absolutisme, Louis XIV chercha cependant sans relâche à éprouver la guerre dans sa chair, à en vivre les fatigues et en braver les dangers. Il était à la recherche d’un héroïsme qui lui était interdit.

       Après avoir rappelé les enjeux de la représentation du roi à la guerre entre langage allégorique et langage naturaliste, nous chercherons à mieux cerner l’attitude de Louis XIV sur le champ de bataille, l’emplacement où il se tenait, ce qu’il y faisait.

       Outre une iconographie louis-quatorzienne plutôt bien étudiée (récemment entre autres par Peter Burke, Thomas Kirchner, Gérard Sabatier et Marianne Cojannot-Le Blanc), nous nous sommes appuyés pour notre étude sur des textes d’auteurs pas ou peu sollicités par les historiens et les historiens de l’art mais qui se révèlent cruciaux pour notre problématique : le marquis de Dangeau, Jean Donneau de Vizé, Henri Philippe de Limiers et le marquis de Quincy.

  • Prisonniers de guerre à Nancy

     

    L'université Nancy 2 et le Centre de Recherche Universitaire Lorrain d'Histoire organisent sous la direction de Laurent Jalabert, Maître de conférences, un colloque international sur le thème :

     LES PRISONNIERS DE GUERRE (XVe - XIXe siècles) :

     entre marginalisation et reconnaissance


     Le colloque se tiendra du 5 au 7 novembre 2012. A cette occasion, je prononcerai une communication intitulée :

     

    L'ICONOGRAPHIE DU CAPTIF DE L'ANTIQUITÉ À L'ÉPOQUE CLASSIQUE

     OU

     LA LENTE ÉMERGENCE D’UN SCRUPULE

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     Pierre de Franqueville, Captifs provenant du décor du piédestal de la statue équestre d 'Henri IV sur le Pont Neuf, 1614-1618, Paris, musée du Louvre. Fondus et ciselés par Francesco Bordoni. Monument détruit en 1792 sauf les Quatre Captifs

     

  • La Méduse Murtola de Caravage

     

    Caravage est devenu avec les années un de ces noms singuliers de l'histoire de l'art qui, à peine cité, déclenchent immédiatement l'excitation médiatique. Comme pour Léonard de Vinci, toute réapparition d'une nouvelle œuvre est un événement quasi-planétaire. Les enjeux financiers devenant de fait considérables lorsque ces œuvres appartiennent à des collectionneurs privés, les enquêtes autour de la question de l'attribution prennent des proportions inédites. Ce fut ainsi le cas pour le beau portrait féminin de profil dit La belle princesse attribué récemment à Léonard de Vinci. Des analyses scientifiques précises ont naturellement été entreprises mais l'enquête a également pris la forme d'un livre, d'un documentaire télévisuel, de sites Internet, le tout sous le regard des médias. Parfois, souvent, cette excitation est plus nuisible qu'autre chose. On le voit actuellement avec les vaines tentatives de retrouver sous les fresques de Vasari au Palazzo Vecchio, la fameuse Bataille d'Anghiari de Léonard, au risque de malmener les peintures de Vasari.

    Le culte de l'artiste, de ces quelques artistes particuliers, de ces élus, atteint parfois des niveaux insensés avec par exemple les efforts entrepris pour retrouver les ossements de Caravage. Le nom de l'artiste acquiert presque une dimension sacrée. Dès lors, les questions d'attribution débordent du cercle des spécialistes et des connaisseurs ; on se souvient de la vaine agitation médiatique en 2006 autour de deux médiocres copies d'après Caravage conservées à Loches mais qui avaient été présentées comme des originaux par le maire de la ville.

    Au milieu de tant de passions et d'enthousiasmes contradictoires, il est une œuvre tout à fait singulière que nous voudrions présenter. Il s'agit d'une Méduse (50 sur 48 cm) attribuée à Caravage et qui semble bien être la première version du célèbre tableau du musée des Offices à Florence.

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    Caravage, Méduse Murtola, Milan, collection particulière

    La première fois que nous avons entendu parler de cette peinture et que nous en avions vu une (mauvaise) photographie, notre sentiment quant à l'attribution était plutôt mitigé. La comparaison avec la version de Florence nous semblait en défaveur de celle-là et nous ne comprenions pas que Caravage ait pu peindre une seconde version identique dans ses moindres détails.

    Mais face à l’œuvre, l'effet est tout autre. L'impression un peu désagréable de la forme du visage tel qu'on le voit sur la photographie trouve son explication dans la courbure de la surface qui naturellement tord les proportions. En revanche, en présence de l’œuvre, cette déformation s'évanouit instantanément. La qualité de l'exécution s'impose de surcroît comme une évidence. Et l'on reconnaît bien alors le style puissant de Caravage.

    Mais ce qui fait définitivement pencher la balance en faveur de l'attribution c'est que la réflectographie à infra-rouge dévoile le dessin préparatoire et les ébauches sous la couche picturale visible. On découvre ainsi les recherches et les tâtonnements de l'artiste pour trouver l'emplacement définitif des éléments du visage. Les difficultés rencontrées à cause des déformations de la perspective dues à la convexité de la surface ont entraîné des changements importants dans le placement des yeux et dans la forme de la bouche.

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    Réflectographie


    La présence de ces modifications du dessin préparatoire sous-jacent plaide assez naturellement pour l'hypothèse suivante : cette Méduse-ci est la première version. Le tableau du musée des Offices est donc une seconde version, de la main de Caravage également, réalisée cette fois sans tâtonnement grâce aux acquis de la première version et sur un bouclier de dimensions sensiblement plus grandes.

    En outre, l’œuvre comporte une "signature" (si c'en est bien une) : "Michel A f.” (pour Michel A[ngelo] f[ecit]) tracé avec le sang de la Méduse. Presque trop beau pour être vrai...

    Le surnom Méduse Murtola provient d'un madrigal composé par Gaspare Murtola en l'honneur du "bouclier de la Méduse, peinture de Caravage" qu'il aurait ainsi vu à Rome lors de son séjour dans la ville entre 1600 et 1602 (la version des Offices se trouvait à Florence depuis 1598).

    On pourrait s'attarder longuement sur tous ces aspects techniques, historiques et artistiques passionnants. Une étude détaillée et approfondie sur cette "Première Méduse" a été publiée récemment en 2011.

     

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  • Les représentations d'enlèvement à travers les arts

     

    Les Libres cahiers pour la psychanalyse viennent de faire paraître leur nouveau numéro, dédié aux Vies amoureuses. J'ai publié dans ce volume un article intitulé :

    "Images d'une pulsion. Les représentations d'enlèvement à travers les arts"

    Comme il s'agit d'une revue qui n'a pas pour usage de publier des illustrations, cet article est malheureusement sans images. Je profite donc de ce blog pour montrer les œuvres que je cite dans le corps de mon texte. 

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    Emmanuel Frémiet, Gorille enlevant une femme, 1887, Nantes, musée des Beaux-Arts

     

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     Alexandre Cabanel, Nymphe enlevée par un faune, 1860, Lille, palais des Beaux-Arts

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    Bernin, Enlèvement de Proserpine, 1622, Rome, Galleria Borghese

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    Corrège, Enlèvement de Ganymède, vers 1532, Vienne, Kunsthistorische Museum

     

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    Michel-Ange ?, Enlèvement de Ganymède, 1533, Cambridge (Mass.), Fogg Art Museum

     

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    Enlèvement de Ganymède, copie romaine d'un original grec, Venise, Museo archeologico

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     Pierre et Gilles, Ganymède, triptyque, 2001, Collection François Pinault

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     Titien, Enlèvement d'Europe, 1562, Boston, Isabella Stewart Garner Museum

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     Giambologna, Enlèvement d'une Sabine, 1583, Florence, Loggia dei Lanzi

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    Rubens, Enlèvement de Proserpine, vers 1615, Paris, muse du Petit-Palais

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    Rubens, L'Enlèvement des filles de Leucippe, 1616, Munich, Alte Pinakothek

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    attribuée au Peintre de Salting, Borée enlèvant Orithye, œnochoé à figures rouges, vers 360 avant J.-C., Paris, musée du Louvre





     

     

     

     

     


     

  • Envers et contre tous

     

    Les actes du colloque Art et violence organisé par René Démoris, Florence Ferran et Corinne Lucas Fiorato et qui s'était tenu à l'Université de Paris 3 - Sorbonne nouvelle en décembre 2010, viennent de paraître aux éditions Desjonquères.

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    Ma contribution à cette belle publication s'intitule :

      Envers et contre tous. La vie d'artiste selon Antoine-Joseph Dezallier d'Argenville.

    Dans son Abrégé de la vie des plus fameux peintres (Paris, 1745, 2e éd. 1762), Dezallier d'Argenville décrit les efforts des artistes pour s'imposer dans une société qui se montre parfois hostile à l'expression de leur génie créateur. Les vies de Joseph Parrocel et de Noël-Nicolas Coypel sont très significatives à cet égard.

    Parrocel, peintre de bataille, s’est acquis une réputation d’artiste au caractère fiévreux, inventeur d’images sanglantes et furieuses. « Trop sincère pour être courtisan » nous explique Dezallier d’Argenville, Parrocel critiquait le caractère et la peinture de Van der Meulen, son concurrent direct, disant que « ce peintre ne savait pas tuer un homme ». Les biographes de Parrocel insistent sur ses conflits avec Jules Hardouin-Mansart dont il sort vainqueur par la seule qualité de son art. La figure de l’artiste fougueux qui déjoue les intrigues et l’emporte sur les gens de cour les plus en vue, plaît visiblement à Dezallier d’Argenville qui rapporte les péripéties et les bons mots à l’avantage du peintre.

    À l’inverse, la vie de Noël-Nicolas Coypel est émaillée d’humiliations et d’échecs qui se terminent par sa ruine financière. La mort de l’artiste est même mise directement en relation par ses biographes avec les procès et contrariétés qui empoisonnèrent son existence lors de son dernier et ambitieux chantier. Dezallier d'Argenville dresse un portrait attachant de cet homme prêt à tout sacrifier pour la grandeur de son art, quitte à y laisser sa fortune et sa santé.

    L’étude de ces deux carrières met en lumière les procédés historiographiques de Dezallier d'Argenville : celui-ci s'appuie autant sur les triomphes que sur les échecs pour réaffirmer le concept de la grandeur de l’artiste qui cherche à s'imposer envers et contre tous.


  • Une collection privée de dessins exposée au musée des beaux-arts de Rennes

     

    Christian et Isabelle Adrien sont des collectionneurs bien connus dans le monde de l'art ancien, en particulier dans le domaine du dessin. Le musée des beaux-arts de Rennes leur prête ses murs afin de montrer au public les plus belles feuilles de leur collection et d'en publier le catalogue scientifique. Comme l'explique Francis Ribemont, directeur honoraire du musée, dans l'avant-propos du catalogue, le principe d'une exposition présentant une collection privée dans un musée public n'est pas un geste anodin et aurait peut-être naguère soulevé quelques difficultés. Heureusement, les relations entre les musées, les collectionneurs et le marché de l'art ont beaucoup évolué ces dernières années. Ce qui reste toutefois encore un peu nouveau, c'est le caractère explicite de l'affichage de cette situation. L'exposition s'intitule en effet : Une collection particulière : les dessins de la collection Christian et Isabelle Adrien. Cette franche simplicité est plutôt rare car le plus souvent on opte pour un titre plus "poétique". Ce sera ainsi le cas pour une exposition prochaine au musée Jenisch à Vevey (Suisse) : La tentation du dessin.

    Mais le plus important reste naturellement l'intérêt des oeuvres présentées, ce qui est bien le cas ici avec un très bel ensemble de feuilles allant de la Renaissance au néo-classicisme, toutes écoles confondues. Le projet scientifique a été conduit sous la direction de Pierre Rosenberg. Nous avons participé à ce catalogue pour la rédaction d'une notice consacrée à un dessin original de Joseph Parrocel représentant le Triomphe de David.

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    L'œuvre date probablement de la dernière décennie de la vie de l'artiste, autour de 1700. De dimensions relativement importantes, elle illustre le goût de celui-ci pour les techniques mixtes et les «écritures confuses», mêlant librement les lignes, les taches, les traces de pinceau et les traits de plume. Le style de Parrocel est assez original au sein de la production de son temps. « Parrocel est nouveau dans tout ce qu’il a produit. On ne peut l’accuser d’avoir suivi aucun goût ; le ressouvenir de tout ce qu’il avoit vû, ne nourrissoit plus son génie ; il tiroit tout de son propre fond. » écrit Dezallier d’Argenville, son biographe au XVIIIe siècle.

    Ce Triomphe de David constitue en outre une sorte de résumé du parcours esthétique de son auteur : les deux côtés de la composition confrontent les deux pôles de son art. Il y a, d’un côté, sur la gauche, l’image de la vie militaire, ce rêve de guerriers, ces casques et ces armures, évocation qui se concentre dans le cavalier de dos en contre-jour, sur son cheval cabré, qui donne des ordres à ses troupes, silhouette admirable de nervosité et qui résume toute une inspiration de l’artiste. Et de l’autre côté, en pleine lumière, un groupe de jeunes filles charmantes, levant les bras, dansant et jouant de la musique, et dont les silhouettes sont animées par des accents de gouache blanche. Tout l’œuvre de Joseph Parrocel est comme tendu entre ces deux inspirations, l’une militaire et masculine, l’autre champêtre et féminine. Ce qui les unit, c’est la picturalité du traitement, la liberté des formes.

    Ajoutons un dernier mot sur le catalogue pour louer le travail de l'éditeur et cette très belle maquette, moderne et élégante.


  • Un dessin inédit de Joseph Parrocel

     

    Un très beau dessin inédit de Joseph Parrocel représentant l'Adoration des bergers est passé en vente chez Artcurial, à Paris, le 28 mars 2012 (lot n° 87). La feuille est préparatoire à la gravure de même sujet du cycle sur les Mystères de la vie du Christ (n° MY.10 de notre catalogue Arthena) et fait partie d'un vaste ensemble de dessins préparatoires à ce cycle conservés au musée du Louvre.

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    L'Adoration des bergers

     Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache sur trait de crayon noir, H. : 143 ; L. : 190.

     Provenance : Collection particulière, Lyon.

    On retrouve dans cette feuille d'une grande liberté d'écriture toutes les caractéristiques du style de Parrocel : la superposition des techniques, le contour fébrile des silhouettes, la confusion des formes ou encore la différence de traitement graphique selon les figures.

  • La Sainte Anne de Léonard

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    A l'occasion de la restauration du tableau de Léonard de Vinci, La Vierge à l'enfant avec sainte Anne, le musée du Louvre organise une exposition mettant en perspective l'élaboration et la postérité de cette œuvre clé de la Renaissance italienne. Pour son exposition Léonard, après la manifestation londonienne de cet hiver, le Louvre n'a pas voulu rester en reste. Et ce qui aurait pu n'être qu'une exposition-dossier autour de la restauration elle-même et des dessins préparatoires a pris la forme d'une grande rétrospective monographique aussi ambitieuse qu'aboutie.

    L'exposition est organisée autour de deux mouvements. Le premier conduit vers l’œuvre : il détaille toutes les étapes préparatoires de l'élaboration progressive de la composition, les projets, les dessins et les versions successives. On découvre aussi avec un grand intérêt les copies réalisées par l'entourage du maître à partir des versions antérieures du projet. L'enquête est minutieuse et nous permet de comprendre le fonctionnement de l'atelier d'un grand peintre à la Renaissance. On mesure également l'extraordinaire curiosité que suscitait le travail de Léonard. Cependant la présence si nombreuses de copies peut déconcerter les visiteurs et nous avons entendu une dame qui, tombant enfin sur le tableau de Léonard, dit à son amie "Non, ça, c'est encore une copie, le tableau doit être à la fin". Une trop grande attente esthétique est souvent déceptive !

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    Le second mouvement de l'exposition part de l'œuvre, et, selon un mouvement inverse, suit la postérité du tableau. On mesure ainsi son importance au sein de la Renaissance, son influence sur Michel-Ange, sur Raphaël et sur les artistes du nord de l'Europe (Fascinante composition de Michel Coxie, La Sainte parenté, Kremsmünster, Stiftsgalerie !) et jusqu'à son écho au XIXe siècle et au XXe siècle, à travers les œuvres d'Odilon Redon et de Max Ernst.

    C'est définitivement une exposition très stimulante, très intelligente, exigeante aussi, trouvant dans un sujet d'étude précis et circonscrit la matière d'une réflexion en histoire de l'art qui tient autant de la rigueur que de la délectation. On songe à l'exposition d'une ambition comparable et d'une réussite égale qui s'était tenue dans les mêmes murs : Rembrandt et la figure du Christ.

     


  • Pour une approche typologique de la peinture de bataille

     

    Le Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine de l'Université de Nice Sophia-Antipolis vient de faire paraître dans les Cahiers de la Méditerranée les actes d'un colloque que Marie-Aline Barrachina et Jean-Pierre Pantalacci y avaient organisé du 19 au 21 novembre 2009 sur le thème : Guerres et guerriers dans l'iconographie et les arts plastiques.

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    Nous avions contribué à cette réflexion par une communication intitulée "Pour une approche typologique de la peinture de bataille du XVIIe siècle". Au sein de l'art classique, la peinture de bataille est un genre mal connu et souvent malheureusement peu apprécié. Elle est en effet perçue comme monotone et paradoxalement peu émouvante. Ignorant fréquemment les tenants et les aboutissants de l'affrontement représenté, le spectateur reste parfois indifférent. Cette peinture obéit à des codes de représentation bien particuliers qui peuvent donner l’impression d’une production un peu répétitive. La connaissance de ces codes et surtout de la manière dont les artistes jouent avec ceux-ci, offrent cependant d'intéressants points d’entrée. Notre article propose ainsi de donner les clefs de lecture de cette peinture à partir d'une typologie formelle.


  • L'ascension de Charles Le Brun

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    Les éditions de la Maison des Sciences de l'Homme viennent de publier dans la collection « Passages » (avec le concours du très actif Centre allemand d'histoire de l'art) la thèse de doctorat de Bénédicte Gady consacrée aux mécanismes d'ascension professionnelle, sociale et artistique de Charles Le Brun.

    Outre la masse documentaire, la précision et la rigueur scientifique, ce qui est remarquable dans cet ouvrage c'est la manière dont l'auteur nous fait partager les étapes de son enquête. On assiste avec elle, comme derrière son épaule, à l'exploration intellectuelle de cette matière historique et documentaire complexe. Le résultat est à l'opposé de bien des ouvrages savants où la somme des analyses est placée sous les yeux du lecteur, comme une masse indigeste. Nous sommes les témoins comblés d'une véritable prospection intellectuelle que renforce encore la qualité du style. Au-delà du sujet "Le Brun", c'est presque une philosophie de la science sociale que l'on savoure.