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La Méduse Murtola de Caravage

 

Caravage est devenu avec les années un de ces noms singuliers de l'histoire de l'art qui, à peine cité, déclenchent immédiatement l'excitation médiatique. Comme pour Léonard de Vinci, toute réapparition d'une nouvelle œuvre est un événement quasi-planétaire. Les enjeux financiers devenant de fait considérables lorsque ces œuvres appartiennent à des collectionneurs privés, les enquêtes autour de la question de l'attribution prennent des proportions inédites. Ce fut ainsi le cas pour le beau portrait féminin de profil dit La belle princesse attribué récemment à Léonard de Vinci. Des analyses scientifiques précises ont naturellement été entreprises mais l'enquête a également pris la forme d'un livre, d'un documentaire télévisuel, de sites Internet, le tout sous le regard des médias. Parfois, souvent, cette excitation est plus nuisible qu'autre chose. On le voit actuellement avec les vaines tentatives de retrouver sous les fresques de Vasari au Palazzo Vecchio, la fameuse Bataille d'Anghiari de Léonard, au risque de malmener les peintures de Vasari.

Le culte de l'artiste, de ces quelques artistes particuliers, de ces élus, atteint parfois des niveaux insensés avec par exemple les efforts entrepris pour retrouver les ossements de Caravage. Le nom de l'artiste acquiert presque une dimension sacrée. Dès lors, les questions d'attribution débordent du cercle des spécialistes et des connaisseurs ; on se souvient de la vaine agitation médiatique en 2006 autour de deux médiocres copies d'après Caravage conservées à Loches mais qui avaient été présentées comme des originaux par le maire de la ville.

Au milieu de tant de passions et d'enthousiasmes contradictoires, il est une œuvre tout à fait singulière que nous voudrions présenter. Il s'agit d'une Méduse (50 sur 48 cm) attribuée à Caravage et qui semble bien être la première version du célèbre tableau du musée des Offices à Florence.

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Caravage, Méduse Murtola, Milan, collection particulière

La première fois que nous avons entendu parler de cette peinture et que nous en avions vu une (mauvaise) photographie, notre sentiment quant à l'attribution était plutôt mitigé. La comparaison avec la version de Florence nous semblait en défaveur de celle-là et nous ne comprenions pas que Caravage ait pu peindre une seconde version identique dans ses moindres détails.

Mais face à l’œuvre, l'effet est tout autre. L'impression un peu désagréable de la forme du visage tel qu'on le voit sur la photographie trouve son explication dans la courbure de la surface qui naturellement tord les proportions. En revanche, en présence de l’œuvre, cette déformation s'évanouit instantanément. La qualité de l'exécution s'impose de surcroît comme une évidence. Et l'on reconnaît bien alors le style puissant de Caravage.

Mais ce qui fait définitivement pencher la balance en faveur de l'attribution c'est que la réflectographie à infra-rouge dévoile le dessin préparatoire et les ébauches sous la couche picturale visible. On découvre ainsi les recherches et les tâtonnements de l'artiste pour trouver l'emplacement définitif des éléments du visage. Les difficultés rencontrées à cause des déformations de la perspective dues à la convexité de la surface ont entraîné des changements importants dans le placement des yeux et dans la forme de la bouche.

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Réflectographie


La présence de ces modifications du dessin préparatoire sous-jacent plaide assez naturellement pour l'hypothèse suivante : cette Méduse-ci est la première version. Le tableau du musée des Offices est donc une seconde version, de la main de Caravage également, réalisée cette fois sans tâtonnement grâce aux acquis de la première version et sur un bouclier de dimensions sensiblement plus grandes.

En outre, l’œuvre comporte une "signature" (si c'en est bien une) : "Michel A f.” (pour Michel A[ngelo] f[ecit]) tracé avec le sang de la Méduse. Presque trop beau pour être vrai...

Le surnom Méduse Murtola provient d'un madrigal composé par Gaspare Murtola en l'honneur du "bouclier de la Méduse, peinture de Caravage" qu'il aurait ainsi vu à Rome lors de son séjour dans la ville entre 1600 et 1602 (la version des Offices se trouvait à Florence depuis 1598).

On pourrait s'attarder longuement sur tous ces aspects techniques, historiques et artistiques passionnants. Une étude détaillée et approfondie sur cette "Première Méduse" a été publiée récemment en 2011.

 

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