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Les nus de Degas au musée d'Orsay

 

Une exposition sur les nus de Degas pourrait apparaître comme une manifestation assez convenue, une machine à succès. Les pastels de femmes au tub par exemple sont des images mille fois reproduites, des chefs d'oeuvre très populaires. Et puis on a encore en tête la remarquable exposition sur "le dernier Degas" à la National Gallery de Londres il y a quelques années. Qu'apporte alors de nouveau l'exposition du musée d'Orsay ?

Elle commence doucement, sans brusquer le spectateur, avec une première section consacrée au "corps classique". Les dessins sont superbes : ce sont des académies sans fadeur, des études pour sa peinture. On songe à Pignon-Ernest. Tableaux et dessins sont mis en relation de façon très classique mais irréprochable.

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La deuxième section présente "le corps en péril". Les choses commencent peu à peu à devenir sérieuses. Les premiers signes de l'originalité du tempérament artistique de Degas se font jour. On voit ses préoccupations, on suit ses recherches formelles, ses obsessions, entre autres à travers les copies dessinées d'après les maîtres (Delacroix, Ingres) dont les toiles (ou des réductions ou des variantes) sont également accrochées ce qui est très appréciable.

La troisième section, centrée sur le "corps exploité" des prostituées, rompt avec la forme académique et signe la véritable inflexion de la trajectoire esthétique de l'artiste. Degas dessine des scènes ordinaires dans des maisons closes, des femmes qui se préparent, des clients qui s'avancent. Il y a peu de dessins érotiques, si ce n'est une représentation d'une scène d'amour saphique. Et le cartel de s'interroger : "Pratique commune ou fantasme masculin ?" Pourquoi pas les deux ! Mais ce qu'il y a de plus intéressant dans cette section est la technique utilisée à ce moment par Degas : le monotype (c'est-à-dire de l'impression sur papier d'un dessin préalablement réalisé sur une plaque de métal). Cette production est une vraie redécouverte. Le traitement stylistique, libéré du rapport à la peinture, est d'une superbe audace.

A partir de ce moment, nous sommes vers la fin des années 1870, l'oeuvre de Degas gagne en maturité, en autorité. Le corps est étudié, décrit, rendu comme une forme qui ne tire son expressivité que d'elle-même. La mise en regard du travail de Degas avec celui d'autres artistes (Caillebotte, Manet, Renoir, Toulouse-Lautrec...) illumine le propos. L'exposition propose alors un accrochage totalement spectaculaire et la crainte de voir ce que l'on a vu cent fois s'est évaporée depuis longtemps.

 

 

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Les dernières sections font encore croître, si cela était possible, notre émotion. La série de compositions dessinées au fusain, à l'huile ou au pastel crée un véritable choc. Tel un carpet bombing, la succession de ces nus fait presque courir le danger de rendre commun le chef d’œuvre. Il faut s'accrocher, rester concentré, car la formidable puissance de feu de Degas donne parfois le tournis !

 

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L'exposition se conclut de manière savoureuse avec la postérité immédiate de l'art de Degas et les créations non moins géniales de Picasso qui se situent dans cette filiation.

La démonstration est faite : il fallait cette exposition.

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