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  • Prisonniers de guerre à Nancy

     

    L'université Nancy 2 et le Centre de Recherche Universitaire Lorrain d'Histoire organisent sous la direction de Laurent Jalabert, Maître de conférences, un colloque international sur le thème :

     LES PRISONNIERS DE GUERRE (XVe - XIXe siècles) :

     entre marginalisation et reconnaissance


     Le colloque se tiendra du 5 au 7 novembre 2012. A cette occasion, je prononcerai une communication intitulée :

     

    L'ICONOGRAPHIE DU CAPTIF DE L'ANTIQUITÉ À L'ÉPOQUE CLASSIQUE

     OU

     LA LENTE ÉMERGENCE D’UN SCRUPULE

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     Pierre de Franqueville, Captifs provenant du décor du piédestal de la statue équestre d 'Henri IV sur le Pont Neuf, 1614-1618, Paris, musée du Louvre. Fondus et ciselés par Francesco Bordoni. Monument détruit en 1792 sauf les Quatre Captifs

     

  • Hopper au Grand Palais

    L'exposition Edward Hopper qui vient de s'ouvrir au Grand Palais est passionnante à plus d'un titre. Tout d'abord on saluera l'intelligence de la remise en contexte et de la mise en regard par la présence d'œuvres d'autres artistes. Nous avons plusieurs fois sur ce blog souligné l'importance de cette manière de faire de l'histoire de l'art. Ainsi l'exposition s'ouvre sur la formation de l'artiste et l'on voit le rôle joué par la peinture française du tournant du siècle autour de Marquet et de Vallotton mais aussi l'héritage de Degas dans la définition de l'espace et le naturalisme des sujets.

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    Edward Hopper, Stairway at 48 Rue de Lille, Paris, 1906 Huile sur bois, 33 x 23,5 cm New York, Whitney Museum of American Art (70.1295) Legs de Josephine N. Hopper

    On découvre aussi le travail d'artistes moins connus comme John Sloan ou comme le passionnant  Walter Sickert. L'importance de la place consacrée à tous ces artistes dans les premières salles de l'exposition donne à cette dernière une ampleur incontestable.

     

     

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    Edward Hopper Cunard Sailor, 1906-1907       Edward Hopper, Couple Drinking, 1906-1907

    Aquarelle et mine de plomb sur papier            Aquarelle, 34,3 x 50,5 cm

    37,8 x 26,8 cm                                             New York, Whitney Museum of American Art,

    New York, Whitney Museum of                       Josephine N. Hopper Bequest

    American Art (70.1335)                                 © Heirs of Josephine N. Hopper, licensed

    Legs de Josephine N. Hopper                          by the Whitney Museum of American Art

     

    Mais au-delà des questions de filiations stylistiques et d'héritages artistiques, c'est aussi tout un monde visuel qui se dévoile au visiteur : celui d'une modernité plongeant dans le quotidien des années 1905-1925, entre Paris et l'Amérique. On a le sentiment de partager l'univers de Francis Scott Fitzgerald dans The Great Gatsby, mais aussi des films comme Days of Heaven ou Henry and June, et quantité d'autres.

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    Edward Hopper, Soir Bleu, 1914, Huile sur toile, 91,4 x 182,9 cm, New York, Whitney Museum of American Art, Josephine N. Hopper Bequest © Heirs of Josephine N. Hopper, licensed by the Whitney Museum of American Art

    Les liens entre l'œuvre de Hopper et la photographie et le cinéma sont naturellement intenses, et l'exposition les met habilement en valeur par la projection des travaux de Atget ou d'artistes contemporains comme le photographe Philip-Lorca diCorcia.

    Si les tableaux et aquarelles produits par Hopper au cours de l'entre-deux guerres nous ont paru un peu moins convaincants car peut-être un peu anecdotiques, la dernière partie de l'exposition consacre le génie de l'artiste avec une série d'œuvres qui recrée devant nos yeux toute la mythologie de l'Amérique. L'accrochage incite à une passionnante réflexion sur l'isolement, l'abandon et parfois même la désolation.

     

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    Edward Hopper, Eleven A.M., 1926, Huile sur toile 71,3 x 91,6 cm, Washington, D.C., Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution (66.2504) Don de la fondation, Joseph H. Hirshhorn, 1966

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    Edward Hopper, Room in New-York Sheldon Museum of Art, University of Nebraska © Sheldon Museum of Art

     

    Jusqu'à la fin de sa vie Hopper reste fidèle à son esthétique tout en l'enrichissant, mais la chronologie avance et ce qui était formellement audacieux autour de 1905-1925, l'est beaucoup moins dans les 40 années qui suivent, surtout en regard des bouleversements de la peinture de son temps. Le décalage frappant entre son travail et celui de l'avant garde américaine (question qui n'est pas abordée dans l'exposition) est assez savoureux. Son œuvre pose la question de la figuration naturaliste dans l'art des années 50 comme expression artistique moderne et de haute valeur.

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    Edward Hopper, Morning Sun, Columbus Museum of Art, Ohio

    Howald Fund Purchase 1954.031 © Columbus Museum of Art, Ohio

      La dernière toile de l'exposition est à cet égard l'une des plus stupéfiantes :

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    Sun in a Empty Room, 1963, Collection privée

     Le dossier de presse se trouve ici.

  • Peintures des églises de Paris du XVIIe siècle au musée Carnavalet

    On concèdera que ce n'est probablement pas une exposition qui attirera un grand public. Qu'il s'agit d'un évènement essentiellement destiné aux historiens de l'art dixseptièmistes. Mais pour eux, dont je suis, quelle joie !

    Le musée Carnavalet abrite en effet une exposition exceptionnelle au titre enchanteur, Les Couleurs du ciel, consacrée à la peinture des églises de Paris du XVIIe siècle.

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    Philippe de Champaigne (1602-1674), Le sommeil d’Élie, Musée des Beaux Arts du Mans © Cliché Musées du Man

    Les trois premières salles sont chronologiques, les trois dernières thématiques. La présentation est d'une grande clarté et témoigne du sens pédagogique du commissaire scientifique de l'exposition, Guillaume Kazerouni, également enseignant en histoire de l'art. On aborde ainsi successivement les grands chantiers artistiques des églises de Paris du XVIIe siècle à travers les esquisses, les tableaux, les gravures et les réductions de ces décors peints, aujourd'hui pour la plupart démembrés ou disparus.

    Les premières salles montrent un bouillonnement de talents d'une jeune peinture avide de conquérir ces lieux de l'art que furent les églises de Paris. Même les œuvres parfois plus faibles d'artistes un peu secondaires séduisent par leurs maladresses charmantes et leurs audaces formelles. Mille questions sur les styles et les chantiers se bousculent dans notre esprit.

    L'un des grands mérites de cette exposition est de nous permettre de VOIR enfin des tableaux dont on connaissait plus ou moins l'existence mais auquel on n'avait pas accès, soit qu'ils étaient masqués par la crasse (beaucoup ont été restaurés pour l'occasion), soit qu'ils étaient (et le redeviendront) inaccessibles au regard parce que placés trop haut, trop loin ou dans des chapelles fermées... L'accrochage, idéalement dense et plutôt bas, facilitant ainsi la proximité avec la toile, permet de satisfaire notre appétit rétinien.

    En permettant à l'historien de l'art d'étudier et d'admirer un pan considérable de la création artistique tristement négligé par les effets de mode, les ravages du temps et la sottise crimimelle des destructeurs du patrimoine, cette exposition procure un fort sentiment de contentement.

    La première image visible à l'entrée est en revanche parfaitement déprimante :

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    Il s'agit d'un plan de Turgot (1736) indiquant les emplacements des églises de Paris. En rouge, les églises détruites, en vert les églises subsistantes...

     

     

     

  • Bohèmes au Grand Palais

    Les Galeries nationales du Grand Palais présentent cet automne une remarquable exposition sur les liens entre la figure du bohémien dans l'imaginaire visuel européen et le thème de la vie de bohème de la jeunesse littéraire et artistique du XIXe siècle. Outre l'intérêt en soit du propos, cette exposition se distingue par une scénographie inventive, suggestive et éloquente, pleinement au service des œuvres et des enjeux intellectuels soulevés par le sujet. Or cette scénographie a été éreintée par la critique qui n'a pas hésité à dénoncer la "dérive des expositions spectacles". Cela n'est pas pour nous surprendre. En France, les historiens de l'art ont toujours eu du mal avec le concept de médiation, avec l'idée que l'on puisse prolonger l'œuvre d'art par une mise en scène qui soit à la fois ludique et pédagogique. Un tableau cela s'accroche sur un mur, et le mur doit être nu. A la rigueur un texte de salle mais ce sera tout. Heureusement, cette position élitiste et anti-hédoniste perd de plus en plus de terrain. (Le capitalisme consumériste a parfois des effets heureux). Reprocher à une exposition de tendre vers le spectacle est pratiquement paradoxal. Car en un sens, une exposition se doit d'être un spectacle, c'est-à-dire d'offrir au visiteur une mise en mouvement du discours sur l'art et l'histoire, de créer entre les œuvres un rapport dynamique, d'expliquer un propos par une pédagogie de l'effet. De surcroît, comme le dit très justement le commissaire de l'exposition Sylvain Amic, une présentation traditionnelle, sobre et classique aurait été en contradiction frontale avec le sujet.

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    Georges de la Tour (1593-1652), La diseuse de bonne aventure, vers 1630. Huile sur toile, 102 x 123 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art. © The Metropolitan Museum of Art, / Dist.RMN/ image of the MMA

     

    L'exposition Bohèmes explore deux aspects bien distincts (d'où le pluriel du titre). La première partie se concentre sur le parcours iconographique et culturel du thème du bohémien dans l'art européen selon une progression chrono-thématique qui va de Léonard de Vinci à Van Gogh en passant par le chef d'œuvre de Georges de La Tour.  On regrette cependant la cruelle absence de Caravage, vraie lacune de la démonstration.

    Les textes de salles offrent des explications captivantes et très instructives révélant progressivement toute la richesse du sujet (cf. les liens avec la Fuite en Egypte). On assiste ainsi à la passionnante généalogie du motif depuis son hypothétique origine égyptienne jusqu'aux danseuses de flamenco.

    Dès l'entrée, la scénographie fait, quoique encore modestement, la démonstration de son originalité et de la manière dont elle sert le propos. La première partie de l'exposition est constituée en effet d'un long chemin terreux et monotone. Des traces de pas sont visibles sur le sol. Le bohémien est avant tout quelqu'un qui marche, sans cesse chassé, repoussé... 

    La deuxième partie cherche à montrer comment à partir de la figure devenue légendaire du bohémien, s'est élaboré le mythe de l'artiste maudit, vivant pauvrement mais accédant par son art à des vérités plus grandes que celles ayant cours sous le joug de la société bourgeoise. Certes, on est là entièrement dans le fantasme romantique, mais cette filiation aussi fictive soit-elle entre le bohémien et l'artiste bohème dit tout de même quelque chose de fondamental du besoin de fragilité de l'homme créateur depuis le XIXe siècle, de sa recherche d'accomplissement dans l'instabilité, dans le voyage et l'errance, dans le rejet de la normalité bourgeoise. "La vraie vie est ailleurs".

     

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    La seconde partie de l'exposition est ainsi rythmée par des thèmes consacrés à la vie de misère des artistes du XIXe siècle : les logements dans les combles, les ateliers, les journaux illustrés, la vie amicale, la vie amoureuse... et tout se finit au bistrot. Mais cette conclusion plaisante est immédiatement contrariée par l'évocation, dans un étroit et oppressant couloir menant à la sortie de l'exposition, de la terrible destinée des Gitans pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Si l'actualité de ces dernières semaines projette un éclairage singulier et troublant sur le thème de cette exposition, cette dernière ne cherche jamais à masquer la distance qu'il y a entre le rêve esthétique et la réalité humaine, ni ne prétend confondre l'art et l'ethnologie sociologique. Les textes du catalogue et l'interview du commissaire en particulier s'attardent intelligemment sur ces questions.