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Artemisia Gentileschi au musée Maillol

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Avant toute chose, réjouissons-nous d'une exposition sur la peinture du XVIIe siècle. Elles sont malheureusement trop rares. A moins de montrer Caravage ou Rembrandt (ou, plus fort encore, les deux ensemble !), les expositions sur cette période déplacent rarement les foules. Cependant, celle qui vient de s'ouvrir au musée Maillol pourrait avoir plus de chance. Artemisia Gentileschi est une figure entourée d'une aura qui dépasse l'histoire de l'art. Elle accomplit tout d'abord l'exploit à l'époque d'être femme et peintre. Dans sa jeunesse, elle est violée par le peintre Agostino Tassi, et le retentissant procès que son père Orazio intenta contre son agresseur attira encore davantage les regards. Enfin, elle mena une vie amoureuse assez libre, avec mari et amants. Elle peignit plusieurs représentations de femmes célèbres (Cléopâtre, Suzanne) et en particulier de femmes tranchant la tête d'hommes (Judith, Salomé) que l'on ne peut manquer de rapprocher étroitement des évènements de sa vie. C'est une extraordinaire figure romanesque dont le parcours mêlant féminisme, sexe et violence, a tout pour séduire notre époque. Un roman, écrit par Alexandra Lapierre, lui a d'ailleurs été consacré (Robert Laffont, 1998). Or, bien étrangement, l'exposition se détourne entièrement de tout ceci, comme si ce n'était pas intéressant. L'organisation de l'accrochage, les textes des panneaux de salle, des cartels, ignorent superbement toute la part sulfureuse de la vie et de l'œuvre de cette femme artiste. Il semble évident (la bibliographie anglo-saxonne est là pour le prouver) qu'Artemisia est un sujet en histoire de l'art qui réclame un regard bien plus large que la seule approche positiviste. Elle est un des sujets phares de l'histoire de l'art interprétative, des genders studies et de l'analyse symbolique. L'exposition a décidé de s'en priver. Le catalogue s'autorise toutefois la publication d'un bref essai d'Alexandra Lapierre qui ose (enfin) dire quelques mots sur ces aspects.

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On pourra craindre alors une certaine frustration chez le visiteur qui - légitimement - espérait découvrir une figure de la modernité à travers une aventure qui parle de sexe, d'outrage et de vengeance. En un mot, le prototype de la femme fatale. Or, de cette femme peintre violée, transcrivant avec ses pinceaux sa sanglante haine, il ne reste plus grand chose. Il ne reste qu'un peintre du XVIIe siècle entre caravagisme et baroque. Certains s'en félicitent. Nous pensons exactement le contraire.

Ce serait, malgré tout, une belle chose, si Artemisia était un vrai grand peintre. Or, et on s'en doutait déjà un peu et l'exposition le confirme cruellement : sa peinture est très inégale. Orazio par exemple est meilleur peintre.

Heureusement, il y a quelques chefs d’œuvre très fort (que nous reproduisons ici), particulièrement ceux tournant autour des thèmes "féministes" (pour parler vite), mais le reste est assez médiocre. On voudrait l'aimer davantage, mais n'est pas Caravage qui veut. Et puis l'on doit s'interroger sur la question des attributions, des versions, des copies et de l'état de conservation. L'exposition a le mérite d'aborder souvent de front ces questions. Une autre qualité, à laquelle nous sommes sensibles, est de présenter aux côtés d'Artemisia d'autres artistes, évitant ainsi l'étroitesse fréquente des expositions monographiques. Ces confrontations permettent la comparaison, premier outil de l'historien de l'art. Caravage est absent cependant, alors que son ombre est partout. Cela vaut peut-être mieux pour la pauvre Artemisia.

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Commentaires

  • WOW, ça c'est un bon article, que et il vous laisse tout de suite cette remarque

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