Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lens

  • Pourquoi le Louvre Lens est une formidable réussite

    http://nord-pas-de-calais.france3.fr/sites/regions_france3/files/styles/top_big/public/assets/images/louvre_lens_3.jpg?itok=67daNWt7

    Le projet d’installation d’une antenne du Musée du Louvre dans la ville de Lens a soulevé une polémique. Les adversaires ont su faire la liste de leurs arguments contre le projet dont certains étaient tout à fait audibles.
    En revanche, maintenant que le musée est sorti de terre et que l’on peut le visiter, quels que soient les scrupules ou les questionnements que l’on pouvait avoir, on est bien obligé de constater que le Louvre Lens est une formidable réussite. Revue en dix points :

    1.    Commençons par le bâtiment lui-même que l’on doit au cabinet d'architecture SANAA des Japonais Kazuyo Sejima et Ryūe Nishizawa. Si l’extérieur est un peu sévère, l’architecture intérieure est une merveille de subtilité. Les lignes s’incurvent avec douceur, une lumière apaisante nimbe les volumes. La grande simplicité du plan et la taille humaine du bâtiment permettent de se localiser instantanément, de ne jamais se sentir perdu. Enfin, dans l’espace des collections permanentes, les parois en aluminium dépoli reflètent les œuvres et les visiteurs créant un effet particulièrement poétique.


    2.    Lorsque l’on pénètre dans la galerie principale, un très léger surplomb nous permet d’embrasser immédiatement l’ensemble de l’espace, jusqu’au mur du fond. On sait qu’on n’aura besoin d’aucun plan pour s’orienter, d’emprunter aucun escalier, qu’on ne manquera aucun espace, qu’on n’aura aucun problème d’orientation. L’esprit se libère totalement de toute préoccupation d’orientation (que l’on a régulièrement lorsqu’on visite un nouveau musée).


    3.    Dans ce grand espace unifié, le scénographe Adrien Gardère semble avoir trouvé la solution miracle pour la présentation des œuvres. Il n’y a plus de salles dans le sens de la succession de petits espaces dont on ne voit pas la fin mais ce n’est pas non plus (et c’était le danger) un grand volume ouvert avec une circulation centrale, un grand hall inévitablement bruyant. Une succession de socles et de cimaises rythment le parcours en créant un espace à la fois très intime et totalement décloisonné. Le parcours est donc totalement libre et en même temps très structuré. Cet exploit paradoxal est redevable également au parti-pris simple et efficace du projet scientifique et culturel du musée : la Galerie du Temps.


    4.    Le principe de la Galerie du Temps a cristallisé beaucoup de critiques et suscité des railleries. Ce ne serait pas assez érudit, le concept serait primaire. Mais c’est se méprendre sur le niveau de culture malheureusement très faible de nos contemporains, c’est passer complètement à côté du besoin précisément de simplicité, de clarté, de pédagogie. En outre, cette galerie du temps n’est pas que chronologique, elle est aussi transversalement habilement géographique. Enfin, et surtout, un musée n’est pas une exposition. Les musées du monde entier n’exposent-ils pas eux-mêmes toujours leurs collections permanentes dans une présentation principalement chronologique et secondairement géographique ? Cette Galerie du Temps n’est donc qu’une mise en scène particulièrement poétique et réussie d’un principe d’accrochage universellement adopté.


    5.    Dès les premiers pas dans la galerie, on a le sentiment de voir un rassemblement des chefs d’œuvre du Louvre… Et l’on est pris par une légère inquiétude : « Mais que reste-t-il alors au Louvre ? » N’est-ce pas en effet un peu violent pour le Louvre de se voir priver de tant d’œuvres ? Or, objectivement, la ponction est limitée. C’est ici une statue grecque, là une toile de Rembrandt, ailleurs une sculpture de Falconet. Ensuite et très rapidement, on se rend compte à quel point les œuvres sont ici magnifiées. Voilà l’une des raisons pourquoi le Louvre Lens est une chance pour le Louvre. En présentant les œuvres dans une telle muséographie, singularisées et non pas noyées, on les redécouvre. Ce n’est pas le Louvre qui est vidé, c’est un nouveau visage que l’on offre au Louvre.


    6.    Le Louvre Lens consacre la fin des « tired museum feet ». C’est un musée qui parvient à l’exploit de ne susciter aucune fatigue ! Il n’est pas nécessaire de marcher de salle en salle. Tout est rassemblé et concentré pour une visite intense et sans fatigue.


    7.    L’une des caractéristiques du Louvre Lens est le choix de briser les cloisonnements entre départements de la maison mère pour privilégier au contraire le mélange des techniques : objets en deux dimensions et objets en trois dimensions, sculpture et peinture, céramique et peinture. Le dialogue qui naît de ces rapprochements est extrêmement efficace et très pédagogique. Les confrontations sont superbes et toujours stimulantes.


    8.    Le Louvre Lens est aussi un formidable succès public. Alors qu’il n’y avait pas d’exposition temporaire lors de notre visite et que le directeur nous indiquait que le nombre de visiteurs avait diminué, nous avons été frappés par l’affluence. Et visiblement, sans condescendance, c’était un public de conditions modestes, des gens simples. Le Louvre Lens a su trouver son public et, indéniablement, il joue une carte sociale.


    9.    On le sait, notre époque voit de plus en plus la culture à travers l’événementiel. On peut le regretter, stigmatiser la superficialité d’un tel comportement, mais il est un peu vain de lutter contre. Les admirables salles de peintures du Palais des Beaux-Arts de Lille sont vides de visiteurs. Le Louvre Lens avec son principe de renouvellement tous les cinq ans porté par une muséographie innovante est une réponse extrêmement intelligente au problème de la fréquentation des collections permanentes des musées.


    10.    Enfin, le Louvre Lens apparaît comme une célébration de l’idée de musée vivant et dynamique. Il n’est rien moins qu’une fête de l’art. Les œuvres d’art irradient à leur maximum. Et leur beauté paraît soudainement extrêmement contemporaine. Le Louvre Lens est un musée au présent.